Le monastère de Terreville

Devenu Prieur conventuel de St-Benoît-du-Lac, dans la Province de Québec, j'avais toujours pensé qu'il conviendrait, le temps venu, de démissionner en faveur d'un Canadien de naissance, bien que je fusse devenu canadien en 1935 par naturalisation ; mais les années passaient ; la communauté, assez nombreuse, restait encore jeune. En 1937, à l'occasion du chapitre général tenu à Solesmes, mes moines, à l'unanimité, me demandèrent comme abbé. Je ne le désirais pas, et Dom Cozien, abbé de Solesmes, trouvant, avec raison, la communauté encore trop jeune, me dit : « Ce sera pour le prochain chapitre général ». La guerre survint.
A la fin de 1943, j'estimais que le temps était venu et je demandais conseil à quelqu'un de très autorisé, qui lui-même avait laissé le gouvernement d'une grande communauté pour des raisons analogues aux miennes. Il me comprit et fut d'avis que je pouvais démissionner sans scrupule, le monastère comptant alors plusieurs sujets capables de prendre en mains le gouvernement. J'envoyais donc ma démission, qui fut acceptée par Rome au début de 1944.
Quand on a été longtemps supérieur majeur et qu'on démissionne, il est plus sage de se retirer, au moins pour un temps, afin que le successeur soit plus libre de faire tous les changements qu'il croit opportuns. Il y a en effet toujours des changements quand un nouveau supérieur est élu, car deux hommes ne peuvent pas avoir exactement les mêmes idées sur tous les points.
C'est ainsi que j'obtiens la permission de me retirer au monastère de Portsmouth, dans le Rhode-Island. J'indique, pour n'y pas revenir, que Saint-Benoît-du-Lac est aujourd'hui une abbaye, où je suis heureux d'aller de temps en temps lorsque je suis obligé d'aller au Canada. C'est un monastère propère, et vraiment la « Domus Dei a sapientibus sapienter administrata » (la maison de Dieu sagement administrée par des sages).

La vie monastique

La Règle demande qu'on y trouve à peu près tout ce qui est nécessaire à l'existence de la communauté, afin que les moines n'aient pas besoin de sortir souvent, « ce qui n'est pas bon pour leur âme » ajoute-t-elle.
Lorsque le terrain le permet, les bâtiments sont disposés autour d'une cour et d'un cloître. Chaque moine dispose d'une cellule, c'est-à-dire d'une petite chambre. Il peut y lire et y étudier ; il y prend aussi le repos de la nuit. Un certain nombre de locaux sont à l'usage commun : cuisine, réfectoire, bibliothèque, etc.
Différents ateliers (menuiserie, garage, mécanique, reliure, imprimerie, etc.) existent, en nombre variable, dans le monastère lui-même, ou tout près.
La plupart des monastères ont aussi un jardin, un verger, une ferme qui, dans certains cas, peut avoir une grande importance.
Les moines du Mont-des-Oliviers, outre un jardin, un verger et quelques bêtes, ainsi que plusieurs des ateliers ci-dessus mentionnés, ont une petite exploitation de miel et fabriquent des cierges.
Cependant, le principal édifice du monastère, souvent le plus beau, et en tout cas son centre spirituel, est l'église. C'est là que le moine se rend avant le lever du jour, et plusieurs fois encore jusqu'au retour de la nuit, pour chanter la gloire de Dieu et le prier, « en présence des Anges » comme dit la Règle. L'Eglise rappelle sans cesse au moine que son principal office est la prière et que toute sa vie perd son sens s'il cesse de « chercher vraiment Dieu » par tout ce qu'il fait. Les églises des monastères ont été généralement construites dans le style de leur époque et avec les matériaux du pays, d'où une grande variété. Beaucoup sont fort belles car ceux qui les ont bâties voulaient qu'elles soient aussi dignes que possible d'un Dieu qui est toute Beauté en même temps que tout Amour.

« Que nul ne cherche ce qu’il juge devoir lui être avantageux, mais plutôt ce qui l’est aux autres. »
« Qu’ils acquittent la dette de la charité fraternelle en toute pureté.»
Règle de St Benoît

La fabrication de miel: C'est dans cette fabrique de miel traditionnelle qu'elle se réalise.

Devenir moine

Un monastère est une école du service du Seigneur. Dans cette école, les moines apprennent à servir Dieu, c'est-à-dire à vivre chaque jour un peu mieux comme le demande l'Evangile : ceci est en réalité le programme de tout baptisé, de tout chrétien.
Et, de fait, les moines n'ont pas d'autre BUT que celui de tous les chrétiens. Simplement, ils sont appelés par Dieu à prendre des MOYENS différents.
Quels sont donc ces moyens ? : une vie de communauté, une règle qui organise toutes choses pour que, dans le travail, le silence et surtout la prière, le monde, aidé de ses frères, rencontre Dieu.
Les moines vivent parfois seuls : ce sont alors des ermites ; mais ordinairement ils se réunissent en communauté, et celle-ci devient une vraie famille. La vie de cette famille est organisée par une Règle ; et cette Règle donne une belle définition du moine en disant qu'il est:
UN HOMME QUI CHERCHE VRAIMENT DIEU.
Elle dit encore au moine qu'il doit se rappeler chaque jour que c'est pour cela qu'il est venu au monastère. Il est venu pour Dieu, parce qu'il a compris que Dieu est si beau, si bon, si digne de notre amour, que, désormais, il ne peut plus faire autre chose que se donner tout entier à lui. Et il sait qu'en se donnant tout entier à lui il n'abandonne pas ses frères les hommes car celui qui se donne à Dieu profite à la famille humaine tout entière.
Cet idéal, on le voit, est grand et noble, et depuis bien des siècles il a enthousiasmé le coeur des hommes, de tout âge, de toute condition et de tout pays. Mais la Règle ajoute, avec sagesse, que c'est un idéal exigeant et que, pour le réaliser, il faut avant tout s'appuyer sur l'aide de Dieu. C'est bien ce que le Christ Jésus disait dans l'Evangile : « Sans moi vous ne pouvez rien faire ». Mais, ajoute saint Paul, avec l'aide de celui qui est ma force, je peux tout ! Le moine vient donc chercher Dieu au monastère, il vient se donner tout entier, et il sait que c'est dans ce don généreux et fécond qu'il trouvera la vraie joie.